J’écoutais récemment une émission de radio qui parlait de l’ouvrage de Marc Bloch sur les rois thaumaturges que La France et l’Angleterre ont eus au moyen-âge. Ces rois avaient la réputation de guérir les écrouelles (entre autres pouvoirs). Les écrouelles étant une maladie pas sympa qui s’attaque aux ganglions de la gorge et de la face.  L’écoute de cette émission m’a irrémédiablement fait penser au président de notre cher pays (le Cameroun). Pourquoi ? Venez suivre mon raisonnement et dites-moi ce que vous en pensez…

 

Tout d’abord, il est évident que lesdits rois n’avaient en réalité aucun pouvoir de guérison. Par contre que des gens y aient cru, je ne le nie point. Ce « pouvoir » a commencé à un moment, et aujourd’hui où nous avons encore des rois/reines en Angleterre, il n’existe plus. Aujourd’hui encore, nous avons des pasteurs, des exorcistes, des devins, des sorciers dont certains pensent qu’ils ont des pouvoirs sans qu’ils en aient. Dans la suite, nous considèrerons donc que ces pouvoirs étaient tout sauf réels. Ceux qui croient à ce type de pouvoirs et qui s’intéressent néanmoins à la gouvernance du Cameroun peuvent quand même continuer à lire…

Si ces pouvoirs n’étaient pas réels, et que des rois, pendant des siècles ont fait comme si ils avaient des pouvoirs, il n’y a que deux explications possibles.

  • Soit ce sont des charlatans : Ils disent et font des choses qu’ils savent fausses.  On en retrouve encore aujourd’hui : certains pasteurs, guérisseurs, et même politiques. Ceuxlà qui lors des campagnes électorales promettent monts et merveille. Ou encore ceux qui essaient de faire passer des vessies pour des lanternes, par exemple en pointant du doigt les « forces tapies dans l’ombre » qui seraient la cause de tous les maux du pays.
  • soit ils y croient (entourage), et pensent que la volonté (le discours) suffit à agir. Le Roi dit « tu es guéri », et il s’imagine réellement que les gens sont guéris. Bien sûr, dans une telle configuration, « l’entourage » joue un rôle prépondérant : Si le Roi croit qu’il a des pouvoirs, il faut tout faire pour lui présenter la « bonne » réalité. Et si on veut faire croire au peuple que le Roi a des pouvoirs, il faut s’en donner les moyens.

 

Bien évidemment, la seconde engeance est la « moins pire ». Mais les rois franco-britanniques du moyen âge ont-ils disparu ? Pas sûr. Prenons un cas d’école : Un pays d’Afrique Centrale. Appelons son président Paul B. Observons ce qui s’y passe. Dès que quelque chose se passe, c’est sous « haute instruction du Chef de l’Etat ». Il décrète, et ça se fait. Tiens tiens, comme nos rois Thaumaturges. Or nous savons que la magie n’existe pas. Dans quel cas de figure se trouve-t-on alors ? Le cynisme ou la crédulité ? Le Président a dit de faire, donc ça va se faire. D’ailleurs, si on demande au Président « comment faire pour faire rentrer une girafe dans un frigidaire en trois étapes ? » Il répondra « c’est très simple : 1. Vous ouvrez la porte du frigidaire 2. Vous mettez la girafe dans le frigidaire 3. Vous fermez la porte ».

Tenez, prenons un exemple réel : le sujet des performances de l’administration : oui luttons contre l’inertie, la corruption, le népotisme, etc. Qu’en dit Paul B ? Analysons quelques sorties lors de messages de fin d’année à la nation

  • En 2012, il dit Stop à « l’inertie, l’incompétence, voire la malveillance de certains qui freinent notre redressement ». Les « atteintes à la fortune publique ne resteront pas impunies » 
  • En 2013, il dit qu’il « faudra (sans doute) impérativement s’attaquer aux causes de nos insuffisances en supprimant les points de blocage, les zones de dispersion et les doublons ». Il faudra aussi « améliorer l’indispensable coordination entre les divers services chargés » d’appliquer les politiques publiques parce qu’elle « n’est pas systématique » .
  • En 2014, il dit qu’il n’y a pas de raison à être lent, et dit qu’il a déjà eu à expliquer à plusieurs reprises les raisons. Les réformes nécessaires seront entreprises. 
  • En 2015, il qu’il entend veiller personnellement à ce que son administration ne cesse d’être une force de progrès. Afin qu’elle ne soit plus pointée du doigt par les usagers et les partenaires au développement
  • En 2016, il dit qu’il va s’employer fermement à lever les obstacles qui bloquent un environnement sain, à savoir les diverses manœuvres de résistance et d’inertie

 

Nous sommes forcés de conclure que pendant 5 ans, il dit que les choses vont se faire. Sans dire comment. Sans dire comment il va au moins contrôler qu’elles se font. Et il constate lui-même qu’elles ne sont toujours pas faites. Mais elles vont se faire. Parce qu’il l’a dit. Monsieur le Président, certes il faut mettre la girafe dans le frigo, mais comment la met-on dans le frigo ? Et surtout pourquoi n’est-elle toujours pas dans le frigo ? Ne pas se poser ces questions et penser que la girafe entrera dans le frigo relève du domaine de la magie. C’est ce que les Rois thaumaturges faisaient…

Se poser ces questions pourrait, au-delà de constater les symptômes (le citoyen est malade, l’administration ne fonctionne pas optimalement, etc.) pourrait aider à identifier la (les) cause (s) première (s). Et ainsi travailler dessus pour y remédier. Elles ne seront pas résolues par la force du discours. Ce serait de la magie. Pour ma part, j’ai eu l’occasion de dire quelles pouvaient être certaines de ces causes, de dire que la plupart sont dues à l’architecture de gouvernance mise en place par le Président , et donc que c’est bel et bien lui la cause de ce qu’il dénonce…

Maintenant, le fait il exprès ou ne le sait il pas ? Est il cynique ou crédule ? le lecteur se fera son avis…

 

 

 

 

 

Paul B. le président thaumaturge...
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